C’est l’hiver 2022, Charles visite des ateliers à Orlando et il voit un restaurant Red Lobster. Au Québec, cette marque n’existe plus depuis la fin des années 90 et Charles est toujours heureux de voyager pour retrouver cette source de confort sous forme de fruits de mer. Depuis 2019, il a hâte de recommencer à voyager juste pour mettre les pieds dans ce restaurant. Il a déjà l’eau à la bouche alors qu’il est dans le stationnement.
Quand il entre, c’est bondé de gens qui attendent. La moitié du restaurant est fermée avec un cordon rouge et des dizaines de places sont libres, pourtant les gens font la file en rang d’oignon dans l’entrée. Il y a littéralement plusieurs places disponibles. Un client potentiel dans la file d’attente fait venir le gérant. Ce dernier indique aux gens qu’il n’a pas assez de personnel pour ouvrir la totalité de son plancher aux clients.
Le client, conciliant, lui dit qu’il comprend et demande au gérant si en attendant, lui et sa famille ne pourraient pas s’assoir dans l’espace libre et siroter un drink tout en attendant leur tour. Le gérant dit non. Il n’a même pas le personnel pour servir des boissons.
Ce gérant savait dire non et il savait que les conséquences de dire oui étaient pires que celles de dire non.
Dire non peut souvent entraîner des conséquences catastrophiques, mais avec une certaine analyse et un peu de recul, on peut se rendre compte que parfois dire oui c’est pire. Entre deux maux, il faut choisir le moindre.
En atelier
Refuser de l’ouvrage. Pour certains, c’est scandaleux. Mais maintenant que la pénurie de main-d’œuvre et de pièces fait rage, certains carrossiers aimeraient bien dire non pour souffler un peu.
Il est vrai que dire non à nos partenaires, qu’ils soient assureurs ou concessionnaires, c’est parfois difficile, voire impossible. Nos contrats sont souvent sans équivoque sur le sujet.
Il y a souvent plus d’occasions de dire « oui, mais pas maintenant » à une réparation. Cette réponse peut être aussi payante ou même plus qu’un non catégorique.
Personne n’est vraiment bon pour dire non, que ce soit à l’amie de sa femme, à son partenaire d’affaires ou encore au beau-frère. Pourtant c’est un non qui pourrait vous servir comme entrepreneur et servir vos clients.
Pourquoi dire non à une réparation (ou oui, mais plus tard) ?
Ce n’est pas tout d’être capable de réparer un véhicule, encore faut-il le faire de façon rentable pour l’atelier et offrir une expérience client intéressante.
Le moment où vous planifiez les réparations est souvent l’une des décisions les plus critiques qui détermineront si ces réparations seront un échec ou une réussite pour votre entreprise.
Par échec ou réussite, on parle de votre capacité à effectuer des réparations qui sont au service de votre entreprise, qui gardent votre équipe engagée, vos clients heureux, vos délais de production sains et des livrables avec une rentabilité acceptable.
Quand dire non à une réparation (ou oui, mais plus tard) ?
- Quand vos partenaires n’ont plus de voiture de location disponible ou que vous n’avez plus de voitures de service à prêter aux clients.
- Quand votre charge de travail (WIP) est trop élevée à l’atelier.
- Quand une réparation est trop complexe pour votre équipe et vous risquez d’exploser les heures proposées par l’estimation. Ça peut être aussi simple que refuser de faire des réparations de rouille parce que votre équipe n’a pas vraiment l’expertise et que vous débordez de travaux en lien avec des collisions.
- Quand les pièces ne sont pas disponibles et qu’il est impossible de savoir quand elles le seront.
- Quand il manque des joueurs dans votre équipe et que ça vous empêche de prendre votre charge de travail habituelle.
- Quand le type de réparation ne répond pas à vos aspirations comme entrepreneur carrossier.
Exemple :
Pendant la pandémie, on a souvent vu des ateliers effectuer des projets-passions comme remonter une Chevrolet 69 alors que le volume d’ouvrage était très bas. C’était probablement une bonne occasion de dire oui pour maintenir l’équipe occupée. En temps normal, sauf si c’est votre spécialité, c’est une autre histoire, mais autrement vous remarquerez que ces projets ont un niveau de rentabilité très mitigé, surtout si vous commencez à compter le travail plus rentable que vous n’avez pas pu faire pendant que vous travailliez sur ce type de projet. Cependant, je vous l’accorde, c’est cool, ça rend fier et vous pouvez certainement faire un peu de marketing autour de ce genre de projet.
Les solutions pour mieux dire oui
Modifier la capacité selon l’équipe. Soyez sensibles au fait que si vous avez récemment perdu des plumes dans votre équipe et que les éléments ne sont pas remplacés ou qu’ils sont remplacés par des éléments moins performants, alors il faudra modifier votre capacité à prendre des travaux, sinon vous déborderez et votre charge de travail entraînera votre profitabilité vers le bas.
Modifier votre capacité selon vos ententes avec les partenaires. Ces derniers vous promettent du volume. Si vous travaillez avec eux depuis quelques années, vous pouvez étudier l’historique de leurs demandes. Cela vous garantit de l’ouvrage, mais vous devez tenir compte de votre capacité, car vous n’y avez plus accès pour accueillir des réparations et vous risquez donc de vous faire ensevelir sous votre charge de travail.
Faire des ententes avec des alliés carrossiers. Nous avons tous nos forces et nos faiblesses et c’est la même chose pour les ateliers de carrosserie. Soyez conscient de vos limites et n’hésitez pas à travailler avec des partenaires qui vous complètent afin de leur assigner des travaux plus complexes, spécialisés ou encore votre overflow.
En conclusion
L’important n’est pas de dire non, c’est de dire oui si nous avons les conditions gagnantes pour demeurer productif et rentable en acceptant des réparations. Bref, il faut à apprendre à mieux dire oui.